Au petit matin, nous nous retrouvons. La terre est humide et on s’affaire autour du futur brasier, pendant que le vent par rafales fait s’envoler nos constructions de papier. Lentement, nous préparons l’alchimie du feu, disposant comme des offrandes le charbon et le bois, le lichen, l’algue verte, l’argile rouge et le sel. Guidés par les conseils et le regard aiguisé d’Alain, nous accomplissons pas à pas ce vieux rite.
Bientôt, le four prend la forme d’un grand totem au ventre fertile. Alain affirme qu’il faut lui parler de temps en temps, et l’écouter surtout, pour percer les mystères de la cuisson. Le reste se passe dans l’intimité impétueuse de la terre et des flammes. Par une fissure, on devine le brasier, dans lequel nos objets cuisent lentement.
Quand le feu s’achève, on se sent humble au pied des cendres chaudes. Chaque pièce raconte une histoire ancestrale, course de chevaux, ciel lacté d’étoiles, aurore boréale… Les reflets, les nuances, les empreintes témoignent de l’énigme qui a eu lieu. Le four sacrifié reste à terre, mais ses ombres continueront longtemps à nourrir notre regard.
Cécile H